Souci de soi et introspection

Allons-nous trop loin dans l’approfondissement de la conscience du Soi ?

C’est une question que je trouve aujourd’hui légitime de soulever. Selfies en pagaille, psychanalyse, techniques de développement personnel (…) ne représentent à mon sens que différentes facettes de l’exploration du « Soi ».

Héritage de la Grèce Antique et des courants de psychologie moderne, nous accordons dans nos sociétés occidentales une place centrale au Moi :  on comprend déjà à travers les grandes Tragédies au théâtre, combien les tourments intérieurs de l’Homme sont fascinants et dignes du plus grand intérêt. La Renaissance et l’Humanisme, en partie héritiers de la pensée grecque, renforcent encore la place centrale de l’Homme, en plaçant la personne humaine et sa dignité  au dessus de toutes les valeurs. Avec la psychanalyse, on poursuit davantage les investigations sur le fonctionnement des hommes, d’un point de vue déterministe et athé. Ce sont nos pulsions qui nous font agir comme ceci ou comme celà (…)

Cet héritage culturel et religieux, a permis l'essor des sciences humaines en Europe, de même qu’un intérêt croissant pour les autobiographies et la célébration des réussites personnelles. Aujourd’hui avec les réseaux sociaux, c’est le culte du Moi qui nous explose au visage, et avec cette explosion, c'est le nombre de personnes touchées par les maladies mentales qui augmente dangereusement, notamment chez les plus jeunes. 

Les avantages que nous pouvons tirer de l’auto-analyse, de l’introspection, de la psychanalyse et de l’essor du courant de développement personnel sont nombreux et il ne s’agit pas ici de les nier : meilleure gestion des émotions, compréhension plus fine des blocages et « traumas » qui empêchent d’avancer,  réalisation de son potentiel etc… mais quelles en sont leurs limites ? Il me parait bien légitime de se poser la question. 

Nos problèmes et angoisses existentielles ne naissent-ils pas justement de notre complaisance à nous analyser? Ne finissons-nous pas égarés et noyés dans un puit sans fond à force d’explorer les moindres recoins de notre psyché ?

Le risque est grand : d’une part pour les personnes non accompagnées de s’approprier des grilles de lectures thérapeutiques qui ne leurs correspondent pas, d’autre part de sombrer dans l’obsession de la compréhension du soi et l’individualisme. 

Se regarder le nombril. Si péjorative en Occident, cette expression revêt pourtant une tout autre signification en Orient : elle nous rappelle d’où nous venons, notre nature humaine d'«Être » lié. C’est à mon sens l’occasion de redonner son sens au terme de religion, qui vient de « religare» en latin c’est-à-dire qui nous relie; aux autres, à la nature et à ce qui nous Transcende. 

N’oublions pas que le lien constitue notre nature profonde. Toutes les spiritualités l’ont bien évidemment compris et développé. Dans l’hindouisme et le bouddhisme, la seule réalité est la relation. Pour Confucius «  s’attacher au moi, c’est perdre la voie du Tout ». Ainsi, la méditation par exemple, n’a pas pour vocation de nous faire nous auto explorer d’avantage : c’est un recueillement qui peut nous permettre de sentir notre lien au Tout. « Recherche ta nature fondamentale », non pas individuelle mais comme élément faisant partie d’un tout plus grand que soi. Du point de vue chrétien, nous ne sommes pas seuls, nous pouvons nous tourner vers Dieu afin qu’il puisse nous venir en aide pour surmonter nos difficultés. Son amour est infini.


Quoi de plus puissant et apaisant que ce sentiment d’appartenance, ce sentiment d’être aimé, d’être partie d’une force plus grande et plus belle que soi, de témoigner de la puissance de Dieu à travers soi…

Je vous invite en ces temps difficiles à cultiver ce lien, dans la prière, la méditation, dans l’accueil de l’Amour de l’autre et dans l’échange quotidien. Tourner vous vers les autres un peu plus chaque jour, les autres et vous-même vous en remercieront.

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